Chronique
de l'album "Positive touch"
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Les UNDERTONES continuent à être inspirés par les mêmes choses: les, filles, le samedi soir et les tourments sentimentaux. Toujours présente, naturellement, est cette once de malice faussement ingénue qui les rend classiques: "What else can you do when the girls don't like it?", dans le premier album, est un passage qui m'a paru d'emblée immortel. Tout se passe comme si, à présent, après deux années de T.S.F., les Undertones venaient subitement de se procurer la télévision en couleurs. Ils tripotent les boutons, essaient des trucs, et réussissent du premier coup à obtenir une image nette, contrastée, parfaite, sans regarder la notice. Si on allait les interviewer, ils vous expliqueraient qu'ils n'ont jamais entendu de leur vie"Their Satanic Majesties" ou "Nuggets". Pourtant, instinctivement, ils ont compris: un son fouillé, des mélodies qui ne démarrent jamais dans le ton, des arrangements simples, et une, deux ou trois idées par chanson. Ce qui constitue, comme chacun sait, une, deux ou trois idées de plus que chez la plupart de ceux qui nous abreuvent d'albums. Quatorze chansons, donc, qui comportent toutes, peu ou prou, des surprises. Les influences, les recoupements, pourraient se compter par dizaine: les Rolling Stones de "Paint It Black" redécouverts par les Flamin' Groovies, Nazz et consorts, Tamla, les Beach Boys, l'Elvis Costello de "Armed Forces", on n'en finirait plus. L'étendue de cette culture musicale, qu'on aurait craint de voir à jamais engloutie dans le marais des années 70, c'est au producteur Roger Bechirian qu'elle est vraisemblablement due en grande partie. Coproduction de "Jumpin' In The Night" responsable des deux Undertones précédents, assistant de Nick Lowe sur "Get Happy!!" et "Trust", l'homme a réalisé là son chef d'uvre hors catégories: un son princier, tout en vibrations mercuriales, des références idéalement utilisées, comme le clavecin à la George Martin sur "I Don't Know", les churs psychédéliques sur "Hannah Doot", bref, l'art consommé de conjuguer le classique et l'inattendu. Et les Undertones dans tout ça? eh bien, d'abord à petits pas, puis à pas de géants, les voilà qui entrent dans la catégorie des groupes classiques. John O'Neill, qui s'était déjà imposé comme le champion des trois accords obsédants, est entrain de grandir à une vitesse astronomique. Comme Costello, comme Paul Weller parfois, mais avec une sensibilité pop complètement traditionnelle, il est devenu capable de composer des chansons qui sonnent toujours juste, à la trame mélodique aussi personnelle que rigoureuse. Le refrain de "Hannah Doot", comme sur "Hypnotised" le couplet de "Wednesday Week", sont, en tout modestie, des instants d'éternité. Quant à la voix de Feargal Sharkey, il me parait inutile de m'acharner à enfoncer une porte ouverte: son vibrato poignant et retenu a toujours expédié la concurrence au tapis. Je me contenterai de souligner ici son incroyable richesse expressive, sa générosité et son habileté parfois inattendue. Dans cette improbable promenade aux accents cabaret qu'est "Sigh And Explode", elle va presque jusqu'à swinguer nonchalamment. Un miracle. Beaucoup
de disques vont continuer à s'accumuler dans les semaines et
les mois qui viennent. Avec une désillusion croissante, on va
se forcer à leur trouver de petites qualités, dire: "C'est
bien que ça existe" ou les acquitte au bénéfice
des intentions. C'est pourquoi, je me permets d'insister: les Undertones
ont réussi ce disque, sur tous les plans. Quand tant de malheureux
rament de plus en plus désespérément pour bien
faire, ce n'est pas négligeable. |