Interview John O'Neill

J'ai pris un billet de train pour Torhout, sans la moindre idée d'où cette bourgade de Belgique, que j'imaginais riante, pouvait se trouver. Quoi qu'il en soit, les festivals rock ne déroulent qu'en un seul lieu: l'enfer... Était-ce - une question toute rhétorique - le meilleur endroit pour retrouver les Undertones? Peut-être pas, mais le second terme de l'alternative était la Norvège..

J'ai discerné le concert des Undertones plutôt que je l'ai vu. Après avoir passé deux bons tiers de mon temps à convaincre les organisateurs du festival que je n'étais pas un usurpateur, j'ai fini par atterrir contre la montagne de baffles et bénéficier d'une ouverture d'angle qui avoisinait généreusement les trois degrés. Je devinais, placé ainsi, l'activité frénétique déployée par le groupe sur scène en voyant d'un coup surgir le profil de Feargal Sharkey sur le devant de la scène. Vu son état d'exaltation, ce qui se passait derrière avait l'air bien. Curieusement adulte, pénétré, il chante sans danser, il bouge comme s'il attendait l'autobus, s'assoit tranquillement, vaguement préoccupé. Il ne projette que sa voix, qu'il modèle avec un soin et une patience infinis, sans songer un seul instant à forcer la moindre attitude. Prenant son art avec un sérieux infini, n'ayant jamais en vue l'effet qu'il peut produire, Feargal Sharkey, avec sa figure de généreux obstiné, était à couper le souffle.

Les Undertones, en ce moment, se trouvent placés dans une situation délicate. La couche la plus versatile du public britannique s'est progressivement détournée d'eux, en faveur des accablants élus du moment. Leurs tournées ne concentrent plus que le noyau hard-core des fans de la première heure. Et le plus épineux, dans l'affaire, est encore que les Undertones, du moins leur artisan mélodique, John O'Neill, n'ont absolument plus l'intention de ramoner (out à fait involontairement) toute leur vie des hits carrés et directs. O'Neill, qui doit avoir à peine vingt ans, est d'une taille médiocre. D'un aspect extrêmement juvénile, il avance voûté et semble à chaque instant vouloir se faire oublier. Lui attend son steak sous la tente et moi Elvis Costello.

John O'Neill: "On ne fait plus seulement des morceaux comme "Jimmy Jimmy" ou "Jump Boys", ces trucs qui accrochent comme des chants de football. On essaie d'être beaucoup plus subtils."

Le groupe est unanime sur ce changement d'orientation?
John O'Neill: "Non... On a commencé à se disputer pendant la dernière tournée. Sur scène, on reste assez semblable à ce qu'on 'était l'année dernière. On utilise des cuivres sur certaines chansons, mais moi, je voudrais que ce soit très différent. Feargal préférerait qu'on continue à faire ce qu'on a toujours fait."
Vous vous êtes dit à un moment précis que vous deviez passer à une phase supérieur?
John O'Neill: "Je ne pouvais plus continuer à faire des "Jimmy jimmy". Je ne sais pas... je suis assis, et j'essaie d'écrire des chansons, et voilà ce qui se passe. (...) J'ai des disques favoris, comme "Between The buttons". J'essaie d'écrire des chansons aussi bonnes que sur mes disques favoris."
Cette préoccupation pour le classicisme pop est venue seulement avec "Positive touch"?
John O'Neill: "On a toujours aimé les 45 tours, moi, Damian et Micky. Nous n'avons jamais eu beaucoup d'albums. Alors on essaie de faire de chaque chanson un simple. Je ne pense jamais à un 'LP track'. Le premier album est un recueil de simples. Mais le prochain sera très différent, j'espère. Si vous prenez Roxy music, leur premier album est tout de même un classique, même si ce n'est pas un recueil de simples."
"Positive Touch" est très ambitieux...
John O'Neill: "ç'aurait pu être bien mieux. Le prochain album sera meilleur. Pour "Positive touch", nous avons été très influencés par beaucoup de groupes récents, comme UB 40, The Beat, Teardrop Explodes, tous ces groupes qui expérimentent."
Vous avez l'air de sous-estimer énormément votre musique...
John O'Neill: "On pourrait faire beaucoup mieux... Tous ces groupes ont eu des morceaux classés dans le Top 5. Nous, jamais. "Ghost town" des Specials est N°1 et on n'a jamais rien fait d'aussi bien."